Greenpeace a lancé le 30 septembre une campagne européenne "de sensibilisation et de pression" auprès des consommateurs et des enseignes de grande distribution. Objectif : inciter les supermarchés à retirer de la vente les espèces des grands fonds menacés par la surpêche. L’ONG demande à la grande distribution de retirer de la vente les poissons des grands fonds aujourd’hui menacés par la surpêche. Huit espèces sont concernées : l’empereur, le flétan du Groenland, le grenadier de roche, le hoki, la lingue bleue, le sabre noir, le sébaste et le siki. Pour pêcher ces poissons, les chalutiers étendent d'immenses filets lestés sur le plancher océanique, qui détruisent une biodiversité marine exceptionnelle, certains coraux datant de plus de 4000 ans. A plus court terme, Greenpeace attend des grandes surfaces un meilleur étiquetage des poissons mis en vente. Une étude de l’ONG montre que les poissons des grands fonds sont souvent vendus en grande surface.
Les ravages de la pêche en eaux profondes
La pêche se pratique de plus en plus dans les profondeurs des océans. Des ONG et des scientifiques dénoncent ses effets destructeurs et son manque de rentabilité économique. Grenadier, Sabre noir, Lingue bleue, Empereur... Ces poissons des profondeurs, hier encore inconnus des consommateurs, sont devenus courants dans les poissonneries. Ce n'est que depuis la fin des années 80 qu'ils sont capturés en Europe, à des profondeurs comprises entre 500 et 1500 mètres. Pour les professionnels de la pêche, ces poissons représentent une nouvelle ressource, susceptible de pallier la diminution des stocks observée depuis plusieurs décennies dans les zones de pêche plus conventionnelles.
• Le contexte : La pêche dans les grands fonds a débuté à la fin des années 1960, quand les stocks de poissons de surface ont commencé à décliner. Des chalutiers déploient d’immenses filets, lestés et traînés sur le plancher océanique. Une méthode qui détruit la biodiversité marine, notamment les récifs coralliens. Aujourd’hui, 285 chalutiers pratiquent ce type de pêche, dont une centaine en Europe et moins de 10 en France. Le chalutage se déroule essentiellement dans les grands fonds de l’Atlantique Nord-Est, à l’ouest de l’Ecosse et au sud du Groenland et de l’Islande. Il concerne 8 espèces de poissons en particulier : l’empereur, le flétan du Groenland, le grenadier de roche, le hoki, le sabre noir...
• L’enjeu : Les écosystèmes des grands fonds océaniques sont encore en grande partie inconnus des scientifiques. "La recherche en océanographie profonde, c’est le Far West" affirme Claire Nouvian, fondatrice de l’association de conservation marine Bloom. "A ce jour, les scientifiques n’ont cartographié qu’une surface équivalente à celle de Paris et considèrent que ces écosystèmes abritent entre 10 et 30 millions d’espèces encore inconnues. A titre de comparaison, on a aujourd'hui recensé sur Terre environ 1 300 000 espèces". Les chiffres communiqués par le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM), sont préoccupants. Le chalutage dans l’Atlantique entraîne une baisse de 75%.
• La campagne : Pour préserver la biodiversité des grands fonds marins, Greenpeace demande aux enseignes de supermarché de "retirer ces poissons de la vente pour se positionner comme les acteurs d’une pêche durable". Emmanuel Buovolo estime que la grande distribution "a beaucoup à y gagner en termes d’image". A plus court terme, l’ONG plaide également pour un meilleur étiquetage de ces poissons, souvent vendus illégalement sous d’autres noms dans les rayons des supermarchés. Une étude réalisée par Greenpeace durant l’été 2009 dans une dizaine de supermarchés français montre que le nom requin n’est pour la vente de « siki». Greenpeace demande un étiquetage complet.
Fonds marins ravagés par le chalutage
On savait déjà que la pêche en eau profonde était une catastrophe pour les poissons des fonds marins, qui se renouvellent peu et sont lents à se reproduire. La pêche en eaux profondes détruit également des refuges de biodiversité, les coraux étant par exemple totalement détruits. On se doutait donc bien que cette pêche avait des conséquences importantes sur la physionomie des grands fonds. Sans surprise, une étude l’a vérifié et les suites sont en effet loin d’être anecdotiques. L’étude, publiée dans la revue Nature, un hebdomadaire international consacré aux sciences.