Les Portugais sont de grands consommateurs de pain. Du nord au sud du pays, il existe une grande diversité de pains artisanaux à base de blé, de seigle et de maïs, accommodés ou associés à une gastronomie régionale spécifique. Cette tradition méconnue révèle un véritable art de vivre que Mouette Barboff, historienne et spécialiste du pain en Europe, nous propose de découvrir en cheminant sur le littoral atlantique. Lisbonne est riche en gargotes et petits restos populaires, mais également en grands restos traditionnels et en tables très tendance orientées vers la « cuisine fusion », les produits bio ou locaux. Si les prix des premiers restent abordables, ceux des seconds grimpent très vite. Surtout la nuit, quand l'ambiance devient festive. Vous êtes sans doute venu aussi pour ça… Le vin de Porto n’est pas produit à Porto, mais à Vila Nova de Gaia...
Première étape, Lisbonne
Pour mieux s’imprégner du caractère exceptionnel de cette ville, rendez-vous place du Commerce, ancienne place du Palais Royal, face au Tage. Comme l’air marin ouvre l’appétit, rien de tel qu’un sandwich chaud servi au comptoir des tavernes et autres petits restaurants pleins de charme, comme le Cacau da Ribeira, qui communique avec le Mercado da Ribeira, (un marché aux fleurs, fruits et légumes haut en couleur). Au Portugal, chaque ville revendique ses petits pains. À Lisbonne, ce sont les papo secos dont on aime mordre les extrémités pointues, appelées gaillardement as maminhas (les tétons), et qui se vendaient enveloppés dans du papier de soie au début du XXe siècle. Lisbonne est l’une des capitales au monde où l’on consomme le plus de sandwichs ! Les plus prisés sont les bifanas à la viande de porc finement émincée et marinée au vin blanc, que l’on fait cuire dans du saindoux ou revenir dans une poêle. Mais il faut aussi goûter aux pregos à la viande de bœuf grillée, aux cachorros, semblables à des hot-dogs, et aux panados à la viande rôtie panée… Le pain alentejano accompagne traditionnellement le repas.
Etape à Almeirim
On trouve à Almeirim et dans ses environs de nombreuses petites boulangeries tenues par des femmes qui, aujourd’hui encore, pétrissent à la main et cuisent dans des fours à bois des petits pains de configuration phallique, bolinhas ou caralhotas, certains garnis de chorizo. Pour accompagner ces pains, les restaurants proposent depuis toujours une soupe paysanne destinée aux voyageurs de passage, une « soupe forte » comme ils disent, à base de haricots rouges, de viande de porc, de lard, de saucisses (chouriço de carne, morcela de sangue, farinheira) et de pommes de terre. On commence par cuire les oreilles et les pieds de cochon, les saucisses et les haricots secs dans l’eau assaisonnée d’huile d’olive, sel, poivre, piment rouge en poudre et piri-piri, sans oublier les oignons, l’ail et le laurier. On retire les viandes pour cuire les pommes de terre coupées en cubes dans le bouillon parfumé à la coriandre, puis on réintroduit les viandes et saucisses coupées en morceaux. On obtient une soupe agréablement colorée, suffisamment attrayante pour qui meurt de faim. Les restaurants d’Almeirim font la soupe deux fois par jour.
Porto, des pains merveilleux
Il suffit de traverser le pont D. Luis I pour passer de Vila Nova de Gaia à Porto et se retrouver sur le quai Cais da Ribeira. Il y a quelques années, de robustes poissonnières y vendaient leurs poissons ultra frais sur des étals. Dans un passé plus lointain, les boulangères d’Avintes y accostaient leur barque, et après avoir hissé leur lourde corbeille de broas sur la tête, gravissaient les rues qui conduisaient au marché de Sainte-Thérése, à la foire aux pains. De leur côté, les boulangères de Valongo parcouraient à pied les quelques kilomètres qui les séparaient de Porto, avec leur âne chargé de deux paniers remplis de moletes, regueifas et cacetes, des pains de blé recouverts d’une toile de lin qui leur servait ensuite de présentoir pour leur négoce. Lorsque la foire aux pains cessa d’exister en mai 1909, la profession de boulangère passa progressivement entre les mains des boulangers. L’une des spécialités de Porto s’appelle francesinha (petite française) ! C’est un genre de croque-monsieur garni de charcuteries, nappé de fromage et imbibé d’une sauce piquante dont la composition est gardée secrète.