L’amateur de vin est toujours séduit par la variété des crus sud-africains dont la qualité progresse constamment. Dans la province du Western Cape mais également au Northern Cape près d’Upington, le vignoble constitue une destination touristique à part entière. Vous recevrez généralement un très bon accueil dans les caves, où la dégustation est souvent payante. Depuis les années 1990, après la libération de Nelson Mandela, le vignoble sud africain est sorti de sa longue torpeur. Plutôt que de suivre le modèle australien basé sur l’hyper-technicité, les vignerons d’Afrique du Sud ont voyagé et observé ce qui se passait, notamment en France. Ils ont ainsi ramené de leurs pérégrinations la notion de terroir, qui leur a permis de délimiter chez eux les meilleures zones de production (wards) en fonction des sols, du climat et des pratiques culturales antérieures. Les racines de l’industrie du vin sud-africaine remontent au XVIIème siècle, plus exactement en 1659, lorsque le fondateur de Cape Town, Jan van Riebeeck, y produisit le premier vin. Sa venue dans le pays était liée aux explorations de la Compagnie Hollandaise des Indes qui établit un point d’alimentation au Cap. Cependant le boom de l’industrie du vin n’est que très récent en Afrique du Sud. En 1918, des producteurs dans le Western Cape fondèrent la « Koöperatieve Wijnbouwers Vereniging », afin d’augmenter la production et la qualité des vins.
Le vin de Constance : un vin de légende
En classant l’Afrique du Sud parmi les vignobles du « Nouveau Monde » (Australie, Nouvelle-Zélande, Californie, Argentine et Chili) on oublie que la vigne y fut cultivée dès le 17e s. Ce sont les premiers colons hollandais qui, en fondant au Cap un comptoir de la Compagnie des Indes orientales en 1652, plantèrent les premiers des ceps d’origine européenne au pied de la montagne de la Table (Table Moutain), célèbre pour ses magnifiques rochers bleutés de grès et de granite s’élevant au-dessus de gras pâturages. Aidés par les huguenots français en exil qui leur apportèrent leur savoir-faire, ils produisirent un vin d’anthologie servi dans toutes les cours d’Europe : le fameux vin de Constance ! Ce nectar, aussi célèbre au 18e s. que les plus grands sauternes et tokaji de Hongrie, aurait été, selon Las Cases, l’un des derniers plaisirs accordés par ses geôliers au prisonnier de Sainte Hélène… Vulgarisé par les caprices du commerce anglais puis ravagé par le phylloxera, il fallut un siècle pour que ce vignoble historique retrouve sa splendeur, dans les années 1980. Le muscat à petits grains de Frontignan, appelé ici muskadel, fut alors judicieusement adopté à la place du muscat à gros grains d’Alexandrie. Le muskadel donne naissance à un grand vin liquoreux.
Eben Sadie, le plus grand vigneron d’Afrique du Sud
C’est aux vénérables caves Legrand à Paris (fondées en 1880 et dont la façade, rue de la Banque, vaut à elle-seule le détour), que je dois la découverte de ce vigneron d’exception. À la question : « quel vin d’Afrique du Sud faut-il goûter en priorité ? » la réponse de la charmante Kristeven M’Boungou, spécialiste des vins du Nouveau Monde, est sans ambiguïté : « tous les vins d’Eden Sadie ! » Ce personnage haut en couleur, s’est taillé une réputation internationale en produisant des vins d’artiste dans la aride plaine du Swartland, à 50 km au nord du Cap.
• Côté blanc : Son vin le plus excitant est un assemblage de différents cépages français : viognier (40 %), chenin (20 %), chardonnay (20 %) et grenache blanc (20 %). Une « salade de fruits » un peu insolite au premier abord, mais qui possède néanmoins une identité et une droiture indéniables… Le vin est puissant, sensuel, présentant des arômes de pêche et de fleurs blanches, avec une bouche riche et onctueuse tendue par une belle acidité. Mon conseil : pour lui faire face, n’hésitez pas à mettre des plats puissants et corsés, comme une salade de homard...
• Côté rouge : Eben Sadie s’est spécialisé dans les cépages originaires de la Vallée du Rhône, une région qu’il connaît bien. Sa cuvée Columella à base de syrah (85 %) et de mourvèdre (15 %), élevée en fûts neufs pendant 24 mois est une petite « bombe » absolument comparable aux plus grands de nos Côtes-Rôties ! Nez complexe de cuir, de tabac, d’olive et de cassis. Bouche intense, gourmande et fraîche. Un vin droit et élancé, très pur, au boisé parfaitement intégré. Mon conseil : essayez-le avec une côte de bœuf, sinon osez l’autruche, le koudou, l’impala ou le nyala...